Frédéric Zeitoun : « Nous vivons dans un pays qui assiste au lieu d’inclure »
Chroniqueur dans l’émission Télématin sur France 2 depuis 1998, parolier, chanteur, Frédéric Zeitoun, 61 ans, paraplégique, se raconte avec humour et émotion dans une autobiographie* jalonnée des textes de quelques-unes de ses chansons. Un livre qui dégage une belle vitalité, une énergie optimiste et distribue aussi quelques coups de gueule bien sentis.
Faire-face.fr : Vous dédiez votre livre Fauteuil d’artiste à vos parents Dolly et Henri qui ont joué un rôle majeur, notamment dans la façon dont ils ont fait valoir vos droits à l’éducation. Quel regard portez-vous sur eux avec le recul ?
Frédéric Zeitoun : L’annonce de ce spina bifida à ma naissance leur a été insupportable. Ils vivaient tranquillement et là, ils ont dû prendre des décisions radicales, déménager de Tunis pour venir s’installer en banlieue parisienne. Ils se sont vite dit : notre fils est handicapé mais ça ne doit l’empêcher en rien de vivre sa vie. Mes parents n’ont pas capitulé face au handicap. Comme ils n’avaient pas fait de longues études, pour eux, l’éducation et le savoir étaient la seule issue possible.
Convaincre ses parents de le laisser s’envoler
F-f.fr : C’est pour eux que vous avez écrit ce livre ?
F.Z : Comme je dis toujours, les chansons meurent quand on ne les chante plus. De même, les personnes meurent quand on ne les évoque plus. J’avais envie de rendre hommage à mes parents et aussi de transmettre quelque chose à mon fils Simon, qui a 15 ans. Peut-être qu’aujourd’hui, c’est trop tôt, mais dans quelques années, il sera sans doute heureux de cette démarche.
Au sortir de l’adolescence, en 1977, L’Homme qui marchait dans sa tête de Patrick Segal est un livre qui a beaucoup compté pour moi. Il m’a aidé à convaincre mes parents de me laisser m’envoler. Si cet ouvrage peut aider une personne à oser se lancer dans la vie, j’aurai gagné mon pari.
Le vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles, ce ne sont que des mots, des formules marketing. »
F-f.fr : Dans une de vos chansons Comme tout le monde, vous écrivez « sous mon masque de clown, mes rires de cartoons ». Vous avez essayé de nier votre handicap, de jouer à être quelqu’un d’autre ?
F.Z : Dans ma jeunesse, j’étais mal dans ma peau. J’ai peut-être essayé de « nier mes différences comme on nie l’évidence », comme je l’écris aussi. Mais avec les années, les rencontres, je pense qu’on finit par se trouver. Ce n’est pas forcément lié au handicap.
Déplorer le manque de volonté politique et de considération envers les personnes handicapées
F-f.fr : Vous écrivez que les personnes en situation de handicap sont « les invisibles du PAF ». Ça n’a donc pas beaucoup bougé depuis l’épisode de ce radio-crochet à la fin des années 1970 où l’on vous téléphone pour vous demander de ne pas apparaître en fauteuil roulant, car la direction craint que « [votre] handicap puisse focaliser les regards et fausser les jugements » ?
F.Z : La société en règle générale n’a pas beaucoup bougé. Nous vivons dans un pays qui assiste au lieu d’inclure. Le vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles, ce ne sont que des mots, des formules marketing. Les solutions réelles ne sont pas trouvées pour favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap, l’accessibilité des lieux. Il y a un réel manque de volonté politique.
Je trouve ça fondamentalement injuste et méprisant. Donc, dès que je peux, je prends la parole pour dénoncer ce manque de considération à l’égard des personnes en situation de handicap. Les établissements qui n’ont pas de toilettes accessibles aux PMR sous prétexte que « des gens comme vous on n’en voit pas ! ». Les ascenseurs des salles de spectacle en panne depuis des mois où un pompier est obligé de me porter quand je suis en tournage pour Télématin, je trouve cela scandaleux !
* Fauteuil d’artiste, Frédéric Zeitoun, éd. de L’Archipel, 240 p., 20 €.
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4 commentaires
merveilleux modèle pour les handicaps invisibles bravo et merci monsieur de cet exemple, le soleil bleu, collectif de l’autisme et la neurodiversité en chalonnais (bourgogne du sud)
bel exemple pour nous tous handicapés
“Tu as 1000 fois raison”, la paraplégie peut toucher tout le monde, mais d’en faire une chanson, je baisse mon chapeau”
Suit accident le 6 Avril 2010, j’ai été amputé d’une jambe et suis en fauteuil roulant. C’est vrai, un manque de considération voire du mépris des politiques, des médias et aussi des gens, on vous regarde de travers comme une horde d’éléphants qui traverserait les Champs Elysées. Une vraie honte pour la France, les MDPH vous méprisent et un audit de l’ONU fait en 2022 rapporte du retard de la France malgré les 2,3 % du PIB alloués au handicap. Ma MDPH 66 n’a pas arrêté de m’emmerder depuis 4 ans que je suis là. Je vais vendre et retourner sur le bassin d’Arcachon, c’est beaucoup mieux la bas, au moins ils vous laissent tranquille. Les MDPH se donnent tous les droits et sont souvent hors la loi. Ils m’ont sucré ma PCH aide humaine depuis le 1er Janvier, les personnels du handicap sont encore pire que tous les autres réunis. On a vraiment envie de se tirer ailleurs Ce pays me fait honte et je sais de quoi je parle, j’étais ingénieur dans les pétroles et sur 30 ans passés à l’étranger, je n’ai jamais rencontré de gens aussi égoîstes et non serviables qu’en France