Idées cadeaux de Noël : des livres pour agrandir l’horizon
En 2022, dans sa rubrique Du côté des livres, le magazine Faire Face a chroniqué plus de 70 ouvrages. Romans, essais, guides, témoignages, BD… : autant de genres et de styles littéraires pour découvrir, rêver, réfléchir et s’informer. En voici une petite sélection à glisser au pied du sapin.
Essai – Se jeter dans la joie
Depuis Éloge de la faiblesse, son premier ouvrage paru en 1999, l’écrivain et philosophe suisse Alexandre Jollien a publié de nombreux textes nourris de sa quête de sérénité. Dévoilés quasi simultanément avec la sortie en salles de Presque, le film qu’il a réalisé et interprété avec son ami Bernard Campan, ces Cahiers d’insouciance peuvent être lus comme un prolongement de ce long-métrage. Première passerelle jetée entre les deux : la formule d’Érasme, « On ne naît pas homme, on le devient » que l’on peut lire dès l’introduction. « On ne naît pas achevé, complet, on le devient… à coup d’expériences, d’exercices, de rencontres, d’imprévus, d’errances, de faux pas », confie Alexandre Jollien.
Comme à son habitude, le quadragénaire prend appui sur sa façon de vivre son handicap pour inciter les lecteurs, quels qu’ils soient, à s’affranchir de leurs peurs et à accepter la vie comme elle se présente. Comment atteindre la joie, se départir du regard des autres et du sentiment d’insatisfaction ? Difficile de ne pas signer des deux mains ce contrat moral qu’il nous propose. Émaillées de citations de philosophes et du maître tibétain Chögyam Trungpa, ces réflexions sur le mode du journal de bord éclairent son parcours et nous donnent à réfléchir sur le nôtre. Sa parole accessible (il cite les philosophes sans académisme ni pédantisme) nous exhorte à la bienveillance, la bonté, l’intelligence collective. Chiche ! Claudine Colozzi
♥ Cahiers d’insouciance, Alexandre Jollien, éd. Gallimard, 224 p., 18,50 €.
Témoignages – L’amour est dans le vrai
Les langues se délient, chacun raconte… Bernard s’interroge sur la vie affective de Marine, sa fille adoptive trisomique. Auguste évoque sa pesante solitude : « Ce qui me manque, c’est la relation affective, plus que la relation sexuelle. » Michèle et Gérard relatent leur amour. « On nous voit toujours en train de nous faire des petits bisous. »
Anne, éducatrice dans un foyer de vie, profite de tables rondes pour parler prévention et consentement. « Pour beaucoup d’hommes, la réalité de la vie sexuelle, ce sont les films pornos », raconte encore Dominique, éducatrice spécialisée en SAVS. Des témoignages riches d’enseignement où se mesurent les tabous, les non-dits à briser, tout comme les besoins affectifs et sexuels à entendre. Céline Roman
♥ Aimer au pays du handicap, Blandine Bricka, éd. de l’Atelier, 160 p., 16 €.
Récit littéraire – « Vous êtes précieux »
C’est un livre hybride, à mi-chemin entre l’enquête journalistique et la narration intime. Un regard respectueux, à juste distance du handicap. Car, les neuf personnages de Julien Dufresne-Lamy, ses neuf « bienheureux », ont tous en commun d’être touchés par le syndrome de Williams-Beuren, une maladie génétique qui entraîne un déficit intellectuel, une malformation du cœur et des caractéristiques physiques et comportementales particulières, notamment une hyper-sociabilité. « Il y a dans chaque maladie rare le chuchotement d’un roman, le frémissement d’une histoire », écrit l’auteur dans son prologue. Alors, il ne reste plus qu’à tendre l’oreille, écouter, questionner pour raconter la vie de Thomas, d’Axelle, de Marius, de Marie et des autres.
Dévoiler sans les trahir leurs joies, leurs peines, leurs émois, leurs déceptions. Auréoler ces neuf filles et garçons, et aussi leur entourage, d’une lumière douce et nouvelle, presque inédite. Dans ce récit choral, se croisent les souvenirs émus d’un père à qui une généticienne a dressé la liste de tout ce que son enfant ne pourra accomplir. Ou ceux d’une mère qu’une directrice d’école a culpabilisé de vouloir mettre son enfant à la maternelle pour maintenir une activité professionnelle. Julien Dufresne-Lamy entremêle les histoires de ces enfants au parcours singulier, souligne leurs ressemblances et leurs dissonances et montre surtout que s’ils sont atteints par la même maladie rare, chacun demeure unique et « précieux ». Claudine Colozzi
♥ Les Bienheureux, Julien Dufresne-Lamy, éd. Plon, 240 p., 19 €.
Jeunesse – Au service du corps humain
Bien sûr, il existe depuis longtemps des jumelles pour voir plus loin et des bouteilles d’oxygène pour respirer sous l’eau. Mais les prothèses en Lego, le cœur artificiel ou les exosquelettes sont des inventions plus récentes. Les nouvelles technologies permettent d’imaginer des innovations pour protéger, réparer et soigner le corps humain, et améliorer ses performances.
Les perspectives qu’elles ouvrent sont assez vertigineuses et laissent entrevoir un futur plein de promesses notamment pour les personnes
avec des problèmes de mobilité. Claudine Colozzi
♥ De la tête aux pieds : ces inventions qui nous rendent plus forts, Florence Pinaud, éd. Nathan, 48 p., 16,90 €.
Essai – Une personne avant tout
L’autisme féminin reste difficilement diagnostiqué. Ce trouble neurodéveloppemental souffre, en effet, de préjugés et d’idées reçues, y compris au sein du corps médical. Faire avancer la cause des femmes vers la reconnaissance de ce handicap, tel est l’objet de l’ouvrage Celle qui souriait trop pour être autiste. Un titre qui en dit déjà long. De même que cette conclusion entendue par l’auteure, accompagnée de sa mère, lors d’une consultation chez un psychiatre : « Cette demoiselle souffre d’immaturité affective. » Un jugement laissant un goût amer à Sylvie Sandeau qui raconte, non sans courage, sa douloureuse errance, et sa différence qu’elle devine dès l’enfance sans pouvoir la nommer.
Une singularité marquée de comportements atypiques, de « bizarreries » face auxquelles son entourage reste perplexe. Elle déteste être touchée ou même embrassée, ne supporte pas le bain, refuse de manger certains aliments… « Ne faisant rien comme tout le monde », elle se contraint à ressembler aux autres. Au prix d’une grande souffrance et d’une fatigue extrême, commence son travail de camouflage pour masquer ses symptômes et mener sa vie tant bien que mal. Puis, face aux troubles du spectre de l’autisme (TSA) avérés de l’un de ses fils, elle décide enfin de se préoccuper d’elle-même. Aujourd’hui, elle l’écrit : « Je suis prête à assumer ma condition de femme Asperger et à parler de l’autisme de haut niveau. » Et c’est ce qu’elle fait en partageant son expérience. Admirable. Céline Roman
♥ Celle qui souriait trop pour être autiste, Sylvie Sandeau, éd. Tchou, 186 p., 19,95 €.
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