Étudier : quand le manque d’auxiliaires de vie fait tout capoter
Emma Le Peru a décidé d’arrêter ses études, à Nancy, bien que logement, transports et enseignement soient parfaitement adaptés. En cause : le manque d’auxiliaires de vie, qui ne lui permet pas d’être levée suffisamment tôt le matin. La jeune femme de 24 ans dirige sa colère contre l’État.
« L’État n’arrête pas de nous dire qu’il faut être inclus dans la société, faire des études. Pour moi, à la fac ça se passait nickel, il y avait tout pour m’aider. Les transports étaient parfaits. Mais à cause du manque d’auxiliaires de vie, je dois arrêter d’étudier. »
Une association d’aide à domicile en manque de personnels
La colère d’Emma Le Peru, 24 ans, ne retombe pas. En licence professionnelle de communication publique à l’université de Lorraine, à Nancy, le nombre de cours qu’elle manquait faute de pouvoir être levée à l’heure devenait trop important. Elle y a donc renoncé. « Pour des cours commençant à 8 heures, je dois me lever à 6 heures. Or, mon association d’aide à domicile a subi beaucoup de démissions et ne trouvait personne. » À sa connaissance, quand l’association déniche du personnel, c’est prioritairement pour les personnes qui travaillent.
Un arrêt des études après des années d’efforts
Du gâchis, d’autant plus qu’elle n’avait que deux jours de cours par semaine et touchait au but, après des années à mettre en place tous les facteurs de réussite. Ayant obtenu de passer sa licence en deux années au lieu d’une, elle avait commencé par engranger toute la théorie, en 100 % distanciel, puis elle avait dû arrêter un an pour raison de santé.
Cette année, elle devait suivre tous les enseignements pratiques : cours de photo, montage vidéo, retouche d’image… Impossible à distance. « Et je ne peux pas demander aux intervenants extérieurs de rattraper leurs cours juste pour moi. » Elle vivait mal aussi de devoir « lâcher » régulièrement ses camarades de travaux de groupe. De même, elle anticipait son stage à venir, de mars à juillet, qui aurait nécessité des levers matinaux quotidiens.
Par chance malgré tout, détentrice d’un premier diplôme, un DUT, Emma va tenter de se lancer sur le marché du travail. Son projet : community manager, chargée de communication. « Je vais postuler pour des mi-temps, uniquement l’après-midi. »
Des auxiliaires de vie à revaloriser
Originaire de Seine-et-Marne et ancienne élève du lycée Toulouse-Lautrec, sur lequel porte une série télévisée, elle s’est installée à Nancy pour poursuivre ses études. En effet, y existe un foyer – Accueillir guider l’intégration (AGI) – dédié aux étudiants ayant un lourd handicap. Elle y a vécu quatre ans, avec toujours l’aide nécessaire.
Par la suite, elle a souhaité prendre son indépendance et a saisi l’opportunité de l’ouverture d’une Unité de logements et services (ULS), gérée par le Gihp Lorraine, en hypercentre. Elle y vit actuellement, dans un appartement totalement domotisé et adapté, avec une aide humaine 24 heures sur 24 mutualisée. Mais la présence d’auxiliaires de vie pour les levers du matin reste problématique.
Atteinte d’une amyotrophie spinale et dépendante pour tous les actes de la vie quotidienne, Emma n’en veut pas à son prestataire d’aide à domicile mais à l’État. « Il faut absolument revaloriser les salaires des auxiliaires de vie, qui font des horaires difficiles pour gagner très peu. Je comprends que ça ne les attire pas. » L’enjeu est de taille : « J’avais une vie sociale à la fac. Je veux m’inclure dans la société, travailler, cotiser, payer des impôts, rendre ce qu’on m’a donné. » Cependant, elle constate qu’aujourd’hui, prendre son indépendance, malgré tous les dispositifs existants, se révèle non seulement difficile mais risqué.
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