L’obésité, ce n’est pas du laisser-aller
En finir avec les clichés qui collent à la peau des personnes en obésité, accusées de laxisme, de manque de volonté… Mais aussi, militer pour une éducation à la santé, une reconnaissance de la maladie, une action sur les causes et une prise en charge adaptée. À l’occasion de la journée mondiale contre l’obésité, Jean-Philippe Ursulet, directeur général de la Ligue contre l’obésité, détaille les combats des personnes concernées.
Faire-face.fr : Quelles revendications souhaitez-vous mettre en lumière à l’occasion de cette journée du 4 mars ?
Jean-Philippe Ursulet : Tout d’abord la reconnaissance de l’obésité comme maladie. Ce qu’elle est pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1997. Qu’elle rentre ensuite dans les affections de longue durée (ALD) ouvrant droit à un remboursement des soins à 100%. Près d’un Français sur deux est aujourd’hui atteint de surpoids ou d’obésité, une maladie chronique et complexe.
Éduquer à la santé, faire une activité physique au travail
Nous souhaitons aussi que des cours d’éducation à la santé soient dispensés, de la maternelle à l’université en passant par les formations professionnelles. Avec au programme, la santé bucco-dentaire, la nutrition, le sommeil, le sport et la santé… La santé sexuelle aussi, pour les ados, par exemple.
Enfin, en nous inspirant de ce qui se pratique en Suède et en Finlande, nous voudrions instituer de l’activité physique sur le lieu de travail. Avant le déjeuner, par exemple. L’expérience de ces deux pays a montré que les entreprises en retiraient des bénéfices, moins d’absentéisme et une meilleure performance économique, notamment.
Lutter contre les préjugés : des personnes lentes, moins intelligentes…
F-f.fr : Qu’en est-il du regard porté sur les personnes en excès de poids ?
J-P. U : La lutte contre les discriminations et la grossophobie est un important axe de travail de la Ligue contre l’obésité. Les préjugés alimentent des discriminations d’accès jusque dans l’emploi. Avec des représentations erronées de personnes lentes, plus souvent absentes, moins intelligentes… Dans les professions commerciales, les personnes en obésité seraient aussi considérées comme moins crédibles.
Au regard de l’évolution pondérale de la population, estimée à 30 % de personnes obèses en 2030, contre 17 % aujourd’hui, nous demandons des adaptations des biens et services : taille des fauteuils, des lits, du matériel médical, notamment des IRM…
Cesser de culpabiliser les personnes
Surtout, nous luttons contre la culpabilisation de l’individu, à qui l’on reproche de ne pas agir sur son corps. Ou qu’on imagine se vautrant dans la nourriture. Tout ça est lié à l’ignorance. Personne n’aurait l’idée de critiquer une personne perdant ses cheveux à cause d’une chimiothérapie. L’obésité n’a rien à voir avec le laisser-aller.
F-f.fr : Quelles causes sont aujourd’hui identifiées ?
J-P. U : Il y en a près d’une dizaine et l’une des moins connues, mais pourtant très fréquente est d’ordre psychologique, traumatique. Elle entraîne des troubles du comportement alimentaire. Viennent ensuite une alimentation inappropriée ou déséquilibrée, le manque de sommeil, certains médicaments, comme les corticoïdes ou les psychotropes… Les perturbateurs endocriniens que l’on retrouve dans les pesticides, mais aussi dans des produits vestimentaires ou cosmétiques sont également une cause importante d’obésité. Tout comme la sédentarité.
F-f.fr : Une mission sur la prévention et la prise en charge de l’obésité a été lancée en décembre 2022. Vous, que souhaitez-vous ?
J-P. U : Que le Nutriscore soit revu, notamment pour prendre en compte le taux de transformation des produits. Pour les enfants, que l’on appose carrément une indication “Dangereux pour la santé” sur les produits trop sucrés, trop gras et trop salés.
Ensuite, il faut mieux former les médecins généralistes à la prise en charge de l’obésité. Qu’ils puissent en rechercher la cause et pas se contenter de conseils sur l’alimentation et l’exercice. Nous aimerions aussi que les consultations de diététiciens et l’activité physique adaptée, quand elle est prescrite, soient remboursées dès le surpoids.
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