Violences sexuelles : elle dénonce le fléau, elle soutient les victimes
En 2021, le magazine Faire Face avait consacré un dossier à des femmes engagées. Parmi elles, Marie Rabatel, militante contre les violences sexuelles qui touchent davantage les femmes en situation de handicap. Son association a conçu plusieurs outils de prévention et poursuit ses actions : dans le sport, entre autres, et pour lever le tabou des violences contre les enfants. À l’occasion de la diffusion, jeudi 1er juin sur France3 Auvergne Rhône-Alpes à 22h45, du documentaire de Franck Seuret et Yann Rineau, Cassée debout, consacré à Marie Rabalel et son combat, nous republions son portrait.
Marie Rabatel a fait d’un drame personnel un combat collectif. Jeune adolescente, l’Iséroise, autiste, est victime de viol. « Je suis une survivante. » La phrase revient souvent dans sa bouche. Comme une nécessité. Peut-être parce que pendant longtemps, Marie Rabatel s’est tue. Comme beaucoup de victimes. En 2015, un autre événement douloureux vient perturber le cours de sa vie : elle est licenciée de l’institut médico-éducatif où elle exerçait depuis quinze ans auprès d’enfants autistes. « J’adorais mon métier d’éducatrice. Mais lorsque j’ai révélé que j’étais autiste, tout a changé. La direction m’a alors déclarée inadaptée à mon travail, au motif que je mettrais les enfants, et moi-même, en danger. Cela a été hyper violent et a réveillé les injustices vécues dans mon passé, des expériences douloureuses d’exclusion et de déshumanisation. »
Des femmes handicapées deux fois concernées
Dans la foulée, avec quatre partenaires, elle crée l’Association francophone de femmes autistes (Affa). Pour défendre leurs droits. Marie Rabatel, elle, s’investit plus particulièrement sur la prévention des violences sexuelles : un véritable fléau. En 2018, elle a mené une étude avec David Gourion, médecin, et Séverine Leduc, psychologue clinicienne. 88 % des 228 femmes autistes interrogées disaient avoir connu un ou plusieurs contacts sexuels non désirés au cours de leur vie(1). Et 51 % de ces femmes avaient été violées.
« Nous avons la particularité de ne pas comprendre les sous-entendus ou l’implicite, précise Marie Rabatel. Nous pouvons alors nous retrouver dans une situation de danger sans nous en rendre compte. Les agresseurs sont experts pour détecter et exploiter les vulnérabilités. »
La présidente de l’Affa ne limite pas son combat aux femmes autistes. Elle le mène pour l’ensemble des femmes en situation de handicap. Une récente étude de la Drees(2) a montré qu’en France elles sont au moins deux fois plus nombreuses que celles sans handicap à avoir été victimes de violences sexuelles durant les deux années précédant l’enquête.
Une expertise reconnue
« J’ai eu la chance de faire des rencontres qui m’ont aidée à faire avancer la cause pour laquelle je me bats. » La psychiatre Muriel Salmona, entre autres, une spécialiste des traumatismes psychiques en lien avec les violences subies. Elles ont notamment conçu, ensemble, un module d’auto-formation destiné aux professionnels et aux proches qui accompagnent des personnes handicapées. Cet outil, en ligne vise à leur apprendre à dépister les violences(3).
En 2017, Marie Rabatel a également croisé la route d’Adrien Taquet. Celui qui venait tout juste d’être élu député voulait mieux comprendre l’autisme. Devenu depuis secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, il a notamment apporté son agrément au module d’auto-formation.
La légitimité de l’Affa est désormais largement reconnue. Marie Rabatel intervient ainsi comme experte auprès de la Haute autorité de santé, participe aux travaux de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, a été associée au Grenelle des violences conjugales… « Quand je m’investis, je ne fais pas semblant, sourit-elle, derrière ses lunettes aux verres fumés. Un héritage de mon passé de sportive de haut niveau. »
Sensibiliser le milieu sportif
Victime de harcèlement à l’école, Marie Rabatel avait trouvé une échappatoire dans le sport. « Mon autisme m’amène à fonctionner beaucoup par imitation. Reproduire le geste parfait à l’infini. Être dans le faire et non le dire. » À 14 ans, elle intègre une section sport-étude, dans le lancer de disque, et l’équipe de France. « Le sport m’a sauvée. » Elle devra cependant mettre un terme précoce à sa carrière de sportive internationale en raison de problèmes de santé.
Elle travaille aujourd’hui à la conception d’un livret de prévention des violences sexuelles destiné aux sportifs [NDLR : depuis cet article, ce livret est sorti]. Un outil pour leur permettre de prendre du recul, s’interroger sur la normalité, ou pas, de ce qu’ils vivent, avec leur entraîneur ou leurs coéquipiers. « Au début, c’était une demande du comité paralympique sportif français. Mais nous avons élargi la cible à l’ensemble des sportifs, handicapés ou non, en y associant différents acteurs. »
De plus, Marie Rabatel s’échine à faire émerger la question de la violence institutionnelle ordinaire ainsi que les violences sexuelles dont sont victimes les enfants handicapés. Au sein de leur famille ou dans les établissements. « Cela reste encore un non-sujet. C’est l’ultime tabou à lever. »
Dossier Femmes – Elles cassent les codes
Des femmes en situation de handicap, des parcours dans des domaines différents mais avec, chaque fois, la volonté de faire progresser la société. Au service des femmes et aussi des hommes. Pour améliorer la prise en charge gynécologique. Permettre un meilleur accès à la justice et ainsi pouvoir défendre ses droits. Déconstruire les canons de beauté imposés Lutter aussi contre les violences sexuelles… Un dossier sur des femmes en situation de handicap qui agissent et donnent envie d’agir.
Pour le télécharger : Dossier Femmes Elles cassent les codes FF772 mars-avril 2021 interactif
(1) Travaux de recherche présentés au Congrès de l’encéphale 2019. (2) Études et résultats, Drees, n°1156, juillet 2020. (3) Développé avec Skillbar, une communauté de professionnels de l’apprentissage digital.
Pour aller plus loin
– ecoute-violences-femmes-handicapees.fr : vous y trouverez les contacts utiles mais aussi les références de livres, rapports, études, vidéos…
– 01 40 47 06 06 : des écoutantes de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir assurent une permanence pour les femmes en situation de handicap subissant des violences. Tous les lundis de 10h à 13h et de 14h30 à 17h30 et tous les jeudis de 10h à 13h.
– 39 19, Violences Femmes Info : numéro national d’écoute, d’information et d’orientation. Gratuit, anonyme, disponible 24h/24, 7j/7
– Module d’auto-formation de l’Affa sur la prévention des violences sexuelles. Accessible gratuitement sur www.skillbar.fr/detox/han/
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