La pénurie d’aides à domicile met les personnes handicapées en danger

Publié le 3 octobre 2023 par Franck Seuret
Les métiers de l’aide à domicile sont tellement en tension que vivre à domicile s'avère de plus en plus difficile, voire risqué, pour les personnes en situation de handicap. Pour celles qui emploient directement des professionnels, comme pour celles qui passent par des services prestataires.

Les présidentes d’APF France handicap, Pascal Ribes, et de l’AFM-Téléthon, Laurence Tiennot-Herment, viennent de saisir la Défenseure des droits. Elles l’alertent sur les difficultés dramatiques que rencontrent les personnes handicapées et les services prestataires pour recruter et fidéliser des aides à domicile. « L’inaction publique complète face aux situations d’urgence les plus graves constitue une véritable non-assistance à personnes en danger », dénoncent-elles.

Nathalie vit seule chez elle depuis dix-sept ans, à Fleury-sur-Orne, une petite commune du Calvados. Mais, aujourd’hui plus que jamais, elle se demande si elle va pouvoir y demeurer. Elle a, en effet, besoin d’être assistée pour la plupart des gestes de la vie quotidienne. Or, l’association qui intervient à son domicile n’arrive plus à recruter assez de professionnels ni à les fidéliser. « Parfois, on me supprime des heures d’intervention. Surtout, les auxiliaires changent souvent. C’est très problématique pour moi qui peine à me faire comprendre, en raison de problèmes d’élocution. Je vis cela comme autant d’atteintes à ma dignité. »

Emploi direct ou services prestataires, même tensions

Des témoignages comme celui-ci, APF France handicap et l’AFM-Téléthon en reçoivent tous les jours. Les métiers de l’aide à domicile sont tellement en tension que vivre chez soi s’avère de plus en plus difficile, voire risqué, pour les personnes en situation de handicap. Pour celles qui emploient directement des professionnels, comme pour celles qui passent par des services prestataires.

« Certaines difficultés du secteur sont anciennes et structurelles, mais nous sommes particulièrement inquiètes de l’accélération que nous constatons depuis quelques mois », indiquent Pascale Ribes et Laurence Tiennot-Herment, leur présidente respective, dans un courrier qu’elles viennent d’adresser à la Défenseure des droits.

Elles ont donc décidé de lancer l’alerte « face au péril imminent et à l’atteinte grave à la sécurité, à la dignité et aux atteintes aux droits fondamentaux » des personnes en situation de handicap. Elles soulignent « l’inaction publique complète face aux situations d’urgence les plus graves. Ce qui est une véritable non-assistance à personnes en danger. »

Tarifs PCH trop bas = faibles salaires

Les raisons de cette crise sont pourtant connues. À commencer par l’insuffisance des tarifs de la prestation de compensation du handicap (PCH) versés par les conseils départementaux aux personnes handicapées, qu’elles soient particuliers-employeurs ou clientes d’un service prestataire. Ce sous-financement public induit la faiblesse des rémunérations des aides à domicile.

Par exemple, entre 10,58 € minimum et 11,69 € maximum nets de l’heure, congés payés de 10 % inclus, pour un assistant de vie de niveau 5 employé directement par un titulaire de la PCH. C’est à peine plus que le Smic horaire, congés payés inclus (10,02 €). Les salariés des organismes prestataires ne sont guère mieux lotis. Certes, des mesures d’augmentation des rémunérations ont été prises l’an passé. Mais leur effet relatif a été absorbé par la hausse du Smic de 10 % depuis fin 2021.

Et puis, il y la pénibilité du travail, en raison, notamment, du découpage des plannings (15 minutes ici, une heure là-bas…), lui-même lié au fractionnement des plans d’aide hyper-minutés et contrôlés.

À cela, s’ajoute aussi le manque de valorisation sociale de ces métiers – pourtant si utiles. Dans une tribune à paraître sur le monde.fr, le 4 octobre, Pascale Ribes et Laurence Tiennot-Herment pointent le « retard culturel de notre pays sur la place des personnes handicapées et sur le rôle de celles et ceux qui les accompagnent. »

En Éhpad à 49 ans, faute d’aide à domicile

La pénurie de professionnels est extrêmement anxiogène pour ces femmes et ces hommes qui en dépendent. « Je ne suis jamais sûre qu’il n’y aura pas un loupé de dernière minute, précise Nathalie, la Normande. Cela m’est déjà arrivé de rester au lit parce que personne n’est venu ! » 

Certains citoyens handicapés n’ont d’autre alternative que d’aller vivre en établissement. C’est ce qui est arrivé à S., un Corse, atteint de cécité et de surdité profonde, âgé de 49 ans. À la suite du décès de sa mère, il s’est retrouvé placé en maison d’accueil spécialisée, puis en Éhpad, alors qu’il veut demeurer chez lui. Un projet impossible à mettre en œuvre, faute de garanties sur la possibilité de tenir un planning d’intervention à domicile… et de proches qui pourraient combler les absences.

Les aidants à la rescousse

Dans ce contexte de pénurie, parents, conjoints, enfants, frères ou sœurs se voient, en effet, souvent contraints de prendre le relais. Au risque de dénaturer la relation familiale. « Ils s’épuisent à tenir tous les rôles, à pallier tous les manquements d’un système qui dysfonctionne, pointent Pascale Ribes et Laurence Tiennot-Herment. Il n’est pas possible d’exiger l’impossible des familles, déjà largement sollicitées. La solidarité familiale ne peut pas et ne doit pas se substituer à l’indispensable solidarité nationale. »

Vie à domicile : les personnes handicapées appellent à l’aide

Comment 2 commentaires

Bonjour à tous et toutes.

J’ai travaillé comme auxiliaire de vie pendant 3 ans.
Je suis titulaire d’un titre assistant de vie aux familles.
Je viens de sortir de l’école Aide soignant diplômé !
Comme j’ai apprécié les patients de mon ancien travail.
Je voulais revenir travailler dans cette association.
J’ai passé un entretien avec mon ancienne patron.
Mais quand j’apprends que l’indemnité kilométriques est à peine de 30 centimes par km !
Je réfléchi beaucoup à retourner travailler chez eux !
Sachant que le prix est de presque 2 euro le litre plus encore calculé l’usure du véhicule…
Ne chercher pas pourquoi ol est difficile de trouver des auxiliaire de vie!
D’ailleurs je réfléchis beaucoup à travailler une partie en cesu.
Ce qui est le plus triste dans tout ça est que le gouvernement prône le maintient à domicile mais ne fait rien pour donner l’envie de travailler dans ce domaine.
Car les salaires sont pas top et les compensation km sont vraiment ridicule !
C’est une honte !
Bonne soirée
Ps je suis dût haut rhin.

Pourquoi ces articles qui dénoncent les carences gouvernementales pour pallier au mieux des personnes en situation de handicap, ne sont pas retranscrits sur la version papier de FAIRE FACE ? Cela aurait un impact beaucoup plus fort. Notre revue doit redevenir un espace militant.

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