[Lecture du vendredi] Premier roman : La colère et l’envie, une belle histoire d’émancipation

Impressionnant de maturité, ce premier roman a été couronné du Prix Méduse 2023. Sa jeune autrice, passionnée par la question de la neurodiversité et de l’hypersensibilité, y dresse le portrait d’une enfant qui n’entre pas dans les cases.

C’est l’histoire d’une fillette pas comme les autres : mutique, déscolarisée, éloignée des “normes” de la société. Entre des poussées de colère dévastatrices et de longues périodes de silence, Isor observe, touche et développe un goût bizarre pour les émissions de télévision asiatiques. Le corps médical ne parvient pas à mettre un nom scientifique sur le trouble dont elle souffre. Ses parents, désemparés, ont opté pour une vie en huis clos et la surprotègent.

Étonnante alchimie entre des âmes farouches

Jusqu’au jour où, contraints par une urgence, ils demandent à Lucien, un voisin septuagénaire du genre solitaire, de la garder quelques heures. Et tout bascule ! Entre ces deux âmes farouches, une étonnante alchimie opère immédiatement. Une relation inattendue, salvatrice pour tous les deux.

Quelques temps plus tard, Lucien fait un AVC et la vie qu’ils s’étaient inventée va s’en trouver bouleversée. Isor, alors adolescente, s’enfuit mystérieusement en Sicile. On comprend peu à peu qu’elle veut réparer un malheur, et que cela va contribuer à l’ouvrir à l’autre…

Amour et réconciliation

Divisé en trois parties bien distinctes, ce court roman alterne les points de vue des différents protagonistes. La première donne la parole aux parents : leurs interrogations sur le mal de leur fille, leurs émotions, frustrations – notamment avec le corps médical, amertume, détresse. La deuxième se consacre à ce vieux monsieur qui sort subitement de son propre isolement. Et dans la dernière, place à Isor qui va connaître la véritable éclosion en découvrant le monde.

L’auteure, âgée de 21 ans seulement, étudiante en littérature médiévale à la Sorbonne, diagnostiquée précoce à l’âge de six ans, séduit et impressionne avec une plume maîtrisée et une capacité à partager une histoire d’amour éruptive, d’émancipation et de réconciliation.

La Colère et l’Envie, d’Alice Renard, éd. Héloïse d’Ormesson, 160 p., 18 €.