[SEEPH 2023] « Dès lors que se pose un problème d’accessibilité numérique, l’employabilité est mise à mal »

Publié le 20 novembre 2023 par Emma Lepic

Selon Pierre Reynaud, le référent accessibilité numérique de l’Université de la Réunion, les outils digitaux ont apporté une aide précieuse aux personnes handicapées. Mais pour que le numérique soit réellement porteur d’emplois, dans ce secteur et plus largement, encore faut-il que toutes puissent l’utiliser. Au risque, sinon, d’exclure beaucoup.

Selon Pierre Reynaud, pour que le numérique améliore l’emploi, il faut œuvrer à l’inclusion numérique, en formant les personnes en situation de handicap. © Stéfan Grippon

Faire-face.fr : La transition numérique favorise-t-elle l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ?

Pierre Reynaud : L’avènement du numérique a constitué une révolution. Les personnes handicapées, visuelles notamment, dont je suis, y ont beaucoup gagné. En effet, il nous a permis de faire un bond du Moyen-Age au XXIe siècle. Dans les années 80, comme les copistes médiévaux, on transcrivait en braille les livres en un exemplaire unique ! Aujourd’hui, nous avons accès à beaucoup de livres et documents. Et cela peut favoriser notre employabilité.

« Le numérique, porteur du meilleur comme du pire »

P.R : Pour autant, le numérique n’est pas magique. Il est porteur du meilleur comme du pire. Il aide les uns, mais crée aussi des millions d’exclus. Sur le terrain de l’emploi comme ailleurs, parce que dès lors que se pose un problème d’accessibilité, l’employabilité est mise à mal. Dans tous les secteurs d’activité, pas seulement dans les métiers du numérique.

Donc pour que le numérique améliore l’emploi, il faut œuvrer à l’inclusion numérique, en formant les personnes en situation de handicap à son utilisation. Et en veillant à ce que tous les acteurs (développeurs, entreprises…) jouent le jeu. Il faut également que les outils et applications soient accessibles.

F-f.fr : Quels sont les principaux freins aujourd’hui ?

P.R : Évidemment l’inaccessibilité de nombre de sites, applications et logiciels métier. Le télétravail peut lui aussi compliquer la donne. Par exemple, lorsque les outils collaboratifs et de visioconférence choisis par les employeurs s’avèrent inadaptés. Autre difficulté : avant, on bloquait parfois les mises à jour sur nos ordinateurs pour éviter de mauvaises surprises. Aujourd’hui, de plus en plus de logiciels sont utilisés en ligne (google docs par exemple), et on ne peut plus garder le contrôle de nos outils. On se confronte donc plus souvent à l’inaccessibilité.

Bien souvent, on doit alors attendre une mise à jour suivante pour espérer retrouver une meilleure version de l’outil. Tout cela engendre un stress numérique, une peur de devenir inefficace aux yeux d’un employeur.

« Il est urgent d’investir en faveur de l’accessibilité numérique »

F-f.fr : Dans ce contexte, les référents accessibilité peuvent-ils changer la donne ?

P.R : L’accessibilité est une démarche collective, transversale. Ces professionnels sont les seuls à pouvoir acculturer une structure, former la gouvernance à cet enjeu, sensibiliser le management… Ils peuvent élaborer des stratégies et contrôler l’effectivité de l’accessibilité.

Mais alors qu’il en faudrait dans chaque organisation publique ou privée, ces chefs d’orchestre sont encore très peu nombreux. Je dirais quelques dizaines. Le problème aujourd’hui n’est plus la loi, elle a bien avancé. C’est la question des moyens. Il est urgent d’investir en faveur de l’accessibilité numérique. Et de changer les mentalités, dans les entreprises en particulier.

Où se former aux métiers du numérique ?

Écoles et universités développent des certificats et diplômes. À l’image de celle de la Réunion, qui vient de créer un diplôme universitaire de référent accessibilité numérique. À distance, les cours sont disponibles quel que soit le lieu de domiciliation. Les CDD tremplin peuvent aussi présenter un outil efficace de formation aux métiers du numérique. Certaines écoles du numérique, enfin, accueillent des personnes handicapées. À l’image de Simplon, qui revendique d’en compter 10 % parmi ses étudiants.

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