Cash Investigation [France 2] : Des travailleurs d’Ésat sous pression
Le magazine de France 2 Cash investigation s’est rendu dans un Ésat où les usagers handicapés sont soumis à des objectifs que « même Superman n’arriverait pas à tenir » de l’aveu d’un moniteur d’atelier. Les cadences trop élevées, imposées par le donneur d’ordre Schneider Electric, mettent à mal la santé mentale et physique de ces travailleurs qui ne sont pas des salariés.
« La cadence, elle est infernale. » Ce travailleur d’un Établissement et service d’aide par le travail (Ésat), dans la banlieue de Grenoble, en Isère, ne veut plus se taire. « Les éducateurs nous mettent sans arrêt la pression, dénonce-t-il, devant les caméras de Cash investigation. Des fois, on a des envies de suicide. » Le magazine d’enquête de France 2, qui sera diffusé jeudi 25 janvier à 21h10, s’est intéressé aux maladies professionnelles. Et la troisième partie de ce 100 minutes porte sur les travailleurs d’Ésat.
Les images filmées au sein de l’établissement où travaille ce témoin démontrent qu’il n’exagère pas. Un moniteur d’atelier le reconnaît d’ailleurs lui-même. « Même Superman n’arriverait pas à tenir » les objectifs imposés par le principal donneur d’ordre, Schneider Electric. « Les clients nous considèrent comme des sous-traitants lambda, avec les mêmes contraintes. »
La tendinite au bout des gestes répétitifs
« Contraintes » que l’encadrement de l’Ésat répercute sur les travailleurs et qui impactent leur santé mentale et physique. Les gestes, répétitifs, usent les corps. Toute la journée, Corinne remplit des sachets de pièces et les soude. Elle se plaint d’une tendinite. Son cas est évoqué en réunion. « C’est 70 000 sachets par an à elle toute seule », rappelle le moniteur d’atelier. « Il faudrait qu’elle change de main », propose simplement le directeur adjoint. La réflexion n’ira pas plus loin.
« On ne peut pas considérer un Ésat comme un sous-traitant ordinaire, s’offusque Fadila Khattabi, qui était alors secrétaire d’État en charge des personnes handicapées, lors d’un entretien avec la journaliste Élise Lucet. Il ne peut pas y avoir de cadence [imposée, ndlr]. »
Les témoignages de 600 travailleurs handicapés se plaignant de maltraitances
Cash Investigation a aussi tourné des images dans un autre établissement où il semble faire bon travailler. À Flixecourt, dans la Somme. Une manière de ne pas condamner les 1 400 Ésat dans leur ensemble en montrant qu’il existe aussi des structures respectueuses de leurs usagers.
Reste que le sous-traitant de Schneider Electric, en Isère, ne constitue pas un cas isolé. Caroline Jouret Jemmali, la présidente de l’association Handicap, parlons vrai, a collecté les témoignages de quelque 600 travailleurs handicapés se plaignant de maltraitances, d’agressions verbales ou de dysfonctionnements. Les chefs « nous parlent comme des chiens », « nous insultent », « nous menacent »…
Dommage que ce numéro de Cash investigation ne soit pas exclusivement consacré aux 120 000 usagers d’Ésat. Non pas que la première partie du magazine dédiée aux difficultés de faire reconnaître les maladies professionnelles et la deuxième réservée à l’insuffisance des mesures de protection sanitaire dans les cimenteries Lafarge soient inintéressantes. Bien au contraire. Mais la troisième et sa quarantaine de minutes accordées au sujet des Ésat donne envie d’aller plus loin. Sur les conditions de travail mais aussi sur le statut de ces travailleurs qui ne sont pas des salariés mais des usagers.
Le livre Handicap à vendre pour aller plus loin
Les spectateurs désireux d’en savoir davantage pourront lire le livre de Thibault Petit, Handicap à vendre, publié en 2022. « Ces structures de “travail protégé” peuvent être des lieux de souffrance, où l’on demande de produire, vite, plus vite », assurait-il, exemples à l’appui.
Il expliquait également les mécanismes à l’œuvre. L’évolution des publics accueillis, avec l’arrivée, entre autres, de personnes ayant un handicap psychique. Mais aussi l’accroissement des contraintes économiques. Avec les dérives qui peuvent l’accompagner : sélection plus drastique des travailleurs, intensification de la productivité… Des mots en complément des images.
À voir en replay sur Francetv.info.fr
Handicap à vendre : la parole aux travailleurs d’Ésat payés 10 % du Smic
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8 commentaires
L’APF comme l’UNAPEI tiennent deux discours à ce sujet et mettent des bâtons dans les roues aux associations revendicatives comme l’A.M.I qui se bat depuis plus de 40 ans pour que les T.H es ESAT soient reconnus comme des salariés à part entière. Elles ont fait d’ailleurs en sorte d’exclure notre association du C.A de l’AGEFIPH en 2013, alors que les statuts de l’AGEFIPH ont été rédigés en 1987 par Georges FABRE, militant A.M.I et Joseph FRICOT, militant de l’APF.
Pour avoir travaillé dans 2 ESAT,je dirais que ça dépend si c’est en association (ESATco ) où non
En ESATco, on est bien mieux traiter ( malgré la bouffe où c’était horrible) mais les éducateurs sont super, de bons conseils, toujours le sourire et presque jamais de remontrances
Par contre en ESAT, c’est pas la même chose du tout. Obligée de rester debout toute la journée alors que j’ai beaucoup de soucis de santé ( et d’ailleurs 3 chaises pour une vingtaine d’employés, c’est pas terrible) 1 h de transport. Matin et soir moitié car, moitié marche. surtout avec le covid, divisé en 2 groupe : 30 minutes pour manger, 5 minutes de pauses, limite interdiction d’aller au WC
Plus jamais
Et ne parlons pas du salaire. Je travaillais à 80%, 450€ d’AAH 450 € de salaire + prime d’activité et APL
N’oubliez pas que les EA ont depuis le 1er janvier un chgt de convention (metallurgie) ou l’APF en profite pour baisser le brut de base et y adjoindre une somme compensatrice qui baissera quand la base augmentera donc salaire gelé pour 50% des employés… sympa par rapport à linflation
Il est bien de dénoncer les abus qui peuvent exister sans pour autant en faire une généralité. Beaucoup de personnes en situation de handicap psychique arrivent en ESAT après une expérience en milieu ordinaire douloureuse où elles ne souhaitent pas revenir. Nous avons un travail de réhabilitation psychosociale et d’aide à la reprise de confiance en soi à réaliser. L’accompagnement par le travail impose un savoir être et une bienveillance nécessaire pour la personne. Nous devons trouver le bon équilibre entre la production, prétexte à cette réhabilitation et bien être au travail pour les travailleurs et l’ensemble du personnel engagé pour aider et non pour contraindre.
C’est un plaidoyer que lancent les travailleurs en ESAT pour plus de reconnaissance comme travailleur à part entière avec un vrai contrat, un vrai salaire, une vraie retraite, un vrai parcours professionnel….La loi plein emploi pour tous continue de les laisser au bord de la route , même s’il y a des progrès . À quand une société de dignité et de justice pour tous et pas seulement pour quelques uns ? Croyons-nous que la personne handicapée peut aussi apporter à notre société une façon de vivre, une façon de produire, une manière d’être ? Osons leur donner la parole et les écouter .
Je connais le même problème avec mon fils qui travail en esat dans la vienne ,j’aurais voulu rentrer en contact avec caroline jemmali pour avoir des renseignements
Merci
Bonjour
Il y a beaucoup de fausses informations dans ce documentaire. Instrumentaliser des salariés en situation de handicap, je trouve cela affligeant ! Cela dessert leur cause.
Allez aussi voir les conditions de travail directement dans les hôpitaux psichiatriques. Arbeit macht frei.