Ils s’initient à l’accompagnement sexuel
Treize stagiaires venus de toute la France ont suivi, le week-end dernier près de Strasbourg, la première formation d’accompagnants sexuels, organisée par l’Appas. Objectifs de ces trois jours et demi d’enseignements ? Apprendre et ainsi pouvoir conforter leur projet d’exercer, le laisser mûrir ou l’abandonner car l’accompagnement sexuel n’est pas une pratique comme les autres.
Ils ont ouvert une brèche. De jeudi 12 à dimanche 15 mars, dans un hôtel bucolique d’Erstein, à côté de Strasbourg, huit hommes et cinq femmes, de 21 à 74 ans, ont suivi une formation inédite : “accompagnement à la vie affective, intime et sexuelle des personnes handicapées”. Masseurs, retraités, aide-soignants, éducateur spécialisé, magnétiseur, ou encore travailleurs du sexe : ils sont venus de toute la France, à l’invitation de l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas). Basée dans cette commune, elle milite pour la reconnaissance de tels professionnels.
« Faire davantage que pousser un fauteuil roulant. »
Guy (ci-contre), 65 ans, jovial retraité de l’armée, et bénévole varois dans une association liée au handicap, n’a pas hésité longtemps quand, sur le www.faire-face.fr, il a appris, il y a quelques mois, qu’allait être organisée cette première formation en France. « Le handicap me touche profondément et pour moi, le sexe n’est pas tabou. Je voulais apprendre à parler à ces personnes, les écouter, les masser et les caresser. » Son tarif sera symbolique : il ne cherche pas à gagner de l’argent, mais souhaite « faire davantage que simplement pousser un fauteuil roulant ou accompagner au restaurant ou à la plage ». Le week-end dernier, à Erstein, il a été comblé. « Les formateurs ont insisté sur la nécessité d’être doux, calme. C’est super », se réjouit-il, à la perspective de cette relation nouvelle.
« Je ne suis pas certain d’en être capable. »
Un des critères demandés aux candidats ? Ne pas avoir besoin de cette activité d’accompagnant sexuel pour vivre. Tout au long de cette formation très expérimentale, trois stagiaires ont écouté en tant qu’observateurs : l’un prépare un mémoire pour ses études de travailleur social, l’autre une thèse de sociologie, le troisième, administrateur de l’Appas, apprend et en fera la promotion. Quant aux dix autres : cinq affirment être sûrs de vouloir exercer et cinq mûrissent encore leur projet. « Je ne suis pas certain d’en être capable », confie ainsi Patrick, après 30 ans comme instituteur auprès d’enfants myopathes et autistes. La sélection des candidats avait déjà permis de “recaler” les postulants mal à l’aise avec leur propre sexualité ou leurs réelles motivations. Pendant trois jours et demi, des formateurs, quasiment tous bénévoles et membres de l’Appas, ont aidé les personnes retenues à approfondir leur réflexion.
« Les stagiaires doivent accepter de n’être dépositaires d’aucune certitude. »
Le juriste Bruno Py a brossé les contours légaux. Un ostéopathe et Jill Prévot-Nuss, ancienne accompagnante sexuelle et épouse de Marcel Nuss, président de l’Appas, ont exposé l’enjeu de l’attitude corporelle, des mouvements et postures.
Le psychologue-sexologue a fait réfléchir les stagiaires sur leurs représentations, leurs motivations et leurs peurs, et délivré un enseignement sur la sexualité des personnes handicapées, et le fonctionnement neuronal des émotions.
Nina de Vries, assistante sexuelle berlinoise (ci-dessus), a témoigné de son activité avec les personnes atteintes de handicaps mentaux, dont la spécificité est de ne pas exprimer verbalement leurs attentes, tandis que Jill et Marcel Nuss, ainsi que le psychologue-sexologue, formaient aux différences types de handicaps.
Un enseignement théorique pour l’essentiel, même si la demi-journée sur les postures a amené les stagiaires à s’exercer en binômes au bercement du corps de l’autre et aux massages, tout en douceur, notamment. « Non, nous n’étions pas tout nus ! Le but c’est de comprendre combien, dans l’accompagnement, être à l’écoute du rythme et du souffle de l’autre, capter son regard s’avère important. Le toucher d’une main chaude ou froide change tout. Surtout, les stagiaires doivent accepter de n’être dépositaires d’aucune certitude », explique Jill Prévot-Nuss (ci-contre).
« Je ne toucherai pas aux parties génitales. »
À voir le groupe échanger, la presse n’étant pas autorisée à assister au contenu de la formation, les stagiaires semblent soudés, et globalement ravis. Sur la mise en œuvre pratique, certains restent sur leur fin, avec le sentiment de ne pas être suffisamment au point techniquement. Pour Véronique, 55 ans, éveiller à la sensualité constitue une suite logique, elle qui a aussi suivi une formation de conseillère conjugale et animé des ateliers d’écriture auprès de personnes polyhandicapées. « Mais je ne toucherai pas aux parties génitales, c’est ma limite. » Guy, lui, ne s’interdit pas d’aller jusqu’au bout. « Si la femme me le demandait, je ne pourrais pas le refuser. »
« Les accompagnants sexuels doivent savoir réagir si un client leur dit “je t’aime” »
S’il s’avère capital de réfléchir, en amont, à ses limites, « les accompagnants sexuels doivent aussi savoir réagir si un client leur dit “je t’aime” », explique le psychologue-sexologue rémois Akim Boudaoud. Selon lui, les accompagnants sexuels doivent d’abord accepter de laisser cette liberté à leurs clients, voire répondre qu’eux aussi partagent un moment de bien-être. Mais toujours en insistant sur le caractère non-exclusif de cette relation. Que faire d’éventuelles souffrances engendrées ? « Il y en aura sans doute, et nous gérerons », assume-t-il, sans plus de précisions.
L’association préconise d’ailleurs une rencontre préalable à la prestation. Objectif ? Permettre à l’accompagnant sexuel et à la personne en demande de faire connaissance, d’évoquer les spécificités du handicap, les attentes, voire de s’arrêta là si le courant ne passe pas.
« L’accompagnement sexuel, un moyen, parmi d’autres, de retrouver confiance en son corps et sa sexualité. »
Pour Marcel Nuss, « l’accompagnement sexuel n’est pas une fin, mais un moyen, parmi d’autres, de retrouver confiance en soi, en son corps et sa sexualité ». Une aide pour la “vraie vie”, lorsqu’une relation amoureuse se présentera.
Pour l’instant, l’association s’adresse prioritairement aux personnes les plus dépendantes, n’ayant pas du tout accès à leur propre corps. De nombreux clients ne rechercheront sans doute qu’une étreinte intime, mais « les personnes en manque doivent aussi accéder à plus que de simples massages pudibonds si elles le désirent », poursuit-il.
Les accompagnants ont aussi un rôle éducatif. « Certains traumatisés crâniens, par exemple, à cause de certaines lésions, sont parfois trop directs. L’accompagnant doit leur rappeler ce qui se fait ou pas, et stopper la séance, si besoin », explique Akim Boudaoud.
« Le rapport au temps n’est pas le même que dans la prostitution “classique”. »
Autre impératif, destiné aux travailleurs du sexe : faire comprendre que l’accompagnement sexuel n’est pas un secteur d’activité comme un autre. « Il y a un an, une escort-girl du nord de la France était prête à rencontrer des personnes handicapées pensant ne pas avoir à faire de différence avec un autre client. Après la prestation, elle a compris que cela n’avait rien à voir. Elle s’est déclarée transformée. Elle avait passé un quart d’heure juste à lui caresser le front. Le rapport au temps n’est pas le même que dans la prostitution “classique” », insiste Marcel Nuss (ci-contre). Alexandre, lyonnais de 35 ans, travailleur du sexe et ancien animateur de centre de vacances pour personnes handicapées, en est bien conscient.
« Ouvrir des formations pour les professionnels du médico-social et les parents. »
L’Appas envisage des modules complémentaires, en octobre, pour l’accompagnement de couples ou de déficients intellectuels. Des hôteliers d’Alsace, ainsi qu’un des Landes, ont d’ailleurs déjà proposé d’héberger de futures sessions gratuitement. « Dès que nous en aurons les moyens, nous souhaitons aussi ouvrir des formations et groupes de paroles pour les professionnels du médico-social et les parents de personnes handicapées. » En première ligne face aux besoins affectifs et sexuels, ils ont aussi besoin d’être entendus et soutenus. Élise Descamps – Photos Sylvie Guillaume / Vidéo AFPTV N. Froenher
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne
2 commentaires
Pourquoi nous les handicpés on as pas le droit de vivre en couple avec un(e) partenaire soit disent qu’un redicule plafond de ressources du conjoint (e) est prise en compte?Que mal on a fait à la societée pour suivre cette descrimination absurde?Pourquoi le gouvernement ne suprime pas le redicule plafond de ressources des conjoints (es) des personnes handicapés en nous laissent vivre dignement nottre amour en couple comme le reste de la societée?Ne serait il pas le meilleur stage d’accompagnement sexuel pour nous les handicapés de pouvoir vivre dignement en couple?À mediter.
Cordialement.
Bien, très bien que Faire-Face ait relaté in extenso ce stage de formation Appas.