[Lecture du vendredi] Ceci est mon corps : histoire d’une vocation
Presque dix ans après Ne dites pas à ma mère que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque, Charlotte de Vilmorin revient en librairies avec un deuxième ouvrage. Un récit traversé par cet humour et cette distance déjà remarqués, mais aussi une gravité nouvelle. L’entrepreneuse de 34 ans y raconte ce qui l’a conduite à devenir vierge consacrée en 2022.
Les cheminements spirituels sont souvent sinueux. « Pendant les vingt-quatre premières années de ma vie, je n’ai pas cru en Dieu. J’y étais même carrément hostile. Pour moi, la religion, surtout catholique, rendait les gens soumis, normés, coincés, et réac. » Et puis, en peu de temps, Charlotte de Vilmorin va vivre deux expériences qui vont tout changer : le mariage d’une amie très croyante et quelques jours plus tard, les mots d’un prêtre, lors d’une messe dominicale, auxquels elle ne s’attendait pas. Deux épisodes qui vont la conduire sur le chemin de sa conversion.
Cette “révolution” spirituelle, la jeune femme la raconte dans un court récit où l’on retrouve la plume alerte de l’autrice du blog Wheelcome. L’humour est toujours présent, mais il se double à travers les pages d’une gravité nouvelle. La dizaine d’années qui sépare les deux ouvrages a été traversée par une expérience entrepreneuriale passionnante (Wheeliz) doublée d’une visibilité médiatique. Une exposition qui l’a conduite à réfléchir à son parcours.
Chérir les failles de son existence
Cette valorisation de parcours hors norme comme le sien n’est-il pas un piège pour nombre de personnes en situation de handicap ? « Le seul moyen de vivre réconcilié avec soi-même, c’était de se débarrasser du mythe du surhomme autonome qui avance à la seule force du poignet et de chérir les failles de son existence, non pas pour les transformer en or mais en tant qu’espace où cultiver la pauvreté et la dépendance à autrui. »
Charlotte de Vilmorin se raconte avec beaucoup de sincérité. Notamment quand elle se souvient de ce 2 novembre 2020 où sa vie a pris un tour vraiment différent. Ce soir-là, lors d’un dîner avec des amis, impossible de se servir de son bras droit et de porter sa fourchette à sa bouche. Son handicap s’est aggravé. Elle est désormais totalement dépendante des autres. Elle évoque l’appel intérieur qui l’a conduite à embrasser la vocation de vierge consacrée. Désormais, elle est religieuse au service des plus pauvres, des plus fragiles, tout en poursuivant des projets innovants.
Le lien à l’autre, sa « seule vraie nourriture »
Là où elle interroge c’est lorsqu’elle livre sa vision de la dépendance. L’expérimentation d’un bras robotisé relié à son fauteuil l’a amenée à une prise de conscience. « Je préférais être dépendante mais entourée plutôt qu’autonome mais seule. La dépendance était une grâce parce qu’elle était intimement liée à la notion d’altérité. Et ce lien à l’autre c’était ma seule vraie nourriture. » À méditer.
Ceci est mon corps, Charlotte de Vilmorin, éd. Grasset, 160 p., 16 €.
Créateurs d’entreprise : des outils pour ouvrir sa boîte – Magazine Faire Face nov-dec 2017 N°752
Vos avantages :
- Magazine téléchargeable en ligne tous les 2 mois (format PDF)
- Accès à tous les articles du site internet
- Guides pratiques à télécharger
- 2 ans d’archives consultables en ligne