Série MDPH 2/5 : « Pendant deux ans, j’ai dû survivre avec le RSA alors que j’avais droit à l’AAH. »
L’évolution de son handicap l’empêchant de continuer à travailler, Isabelle Sechere s’est résolue à solliciter l’AAH. Suite au refus de la MDPH des Bouches-du-Rhône, elle a fini par obtenir gain de cause en justice. Sans domicile fixe, elle demande aujourd’hui au Conseil départemental de ne pas lui réclamer le remboursement du RSA perçu durant ces deux années de procédure.
Depuis quelques jours, Isabelle Sechere s’est trouvé un coin tranquille. Elle a garé sa voiture à quelques kilomètres de Salon-de-Provence, au nord des Bouches-du-Rhône. Le long d’une petite route qui mène vers le massif des Alpilles. Avant, elle a passé plusieurs mois à Orange, sur le parking d’une cité HLM. Et demain ? Elle ne le sait pas encore. Pour cette femme de 58 ans, la vie s’écrit au jour le jour.
Voilà près de dix ans qu’elle vit dans son véhicule. « Au début, c’était pour économiser l’argent d’un loyer afin de pouvoir financer les études de ma fille, raconte-t-elle. Aujourd’hui, je n’ai pas les moyens de faire autrement, car je ne travaille plus. » Isabelle Sechere percevait seulement le RSA avant que la justice ne lui reconnaisse, en avril, le droit à l’allocation adulte handicapé (AAH) que la MDPH des Bouches-du-Rhône lui refusait.
Une demande d’AAH après quatre années de chômage
Adolescente, Isabelle Sechere est victime d’un accident de gymnastique. Les années passant, les séquelles physiques s’aggravent. À 41 ans, sa gêne à marcher, ses difficultés à garder les mêmes postures ou bien encore son impossibilité à porter des charges lourdes lui valent d’obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Mais, son état de santé continue de se dégrader. Jusqu’à devenir un frein dans son activité d’infirmière puis de cadre de structures d’accueil de jeunes enfants. En juin 2022, après quatre année de chômage, elle se résout à demander l’AAH.
La MDPH dit non, le tribunal judiciaire dit oui
La MDPH des Bouches-du-Rhône lui accorde bien un taux d’incapacité de 50 à 79 % mais sans restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi (RSDAE). Or, à moins de 80 % d’incapacité, cette condition est nécessaire pour obtenir l’AAH.
Après avoir exercé, en vain, un recours administratif préalable obligatoire (Rapo), Isabelle Sechere saisit alors le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille. Ce dernier ordonne une consultation médicale. Verdict de l’experte : la plaignante « présente d’importantes polypathologies », motrices, viscérales, psychiques…
Des droits bafoués pendant deux ans
En avril 2024, le tribunal confirme donc le taux d’incapacité en y ajoutant la RSDAE… et lui accorde par conséquent le bénéficie de l’AAH pour cinq ans. À compter de juillet 2022, le premier jour du mois suivant la date à laquelle elle avait déposé son dossier à la MDPH.
La Caf doit donc lui virer, rétroactivement, deux années d’AAH. Une somme dont elle déduira le montant du RSA payé pendant cette période. « Je comprends le raisonnement comptable mais je regrette l’inhumanité de cette mesure. Pendant deux ans, la MDPH a bafoué mes droits. Elle m’a contrainte à survivre avec le RSA alors que mon handicap justifiait que je bénéficie de l’AAH, comme l’a reconnu le tribunal. » Soit un manque à gagner de 350 € par mois.
Un geste d’humanité face à une situation d’extrême précarité
« Cela mérite bien un geste, non ? Surtout au vu de ma situation d’extrême précarité. » Isabelle Sechere vient d’écrire à la présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône pour lui demander, à titre exceptionnel, de ne pas réclamer le remboursement du RSA, afin qu’elle puisse faire réparer sa voiture, payer des soins dentaires…
« À 58 ans, quelles sont mes perspectives d’avenir ? Continuer à vivre dans mon véhicule jusqu’à ma mort. Je suis épuisée, physiquement et mentalement. C’est très compliqué. Je ne comprends plus les gens, le monde d’aujourd’hui. J’ai besoin de ce coup de pouce pour essayer de m’en sortir. »
Un questionnaire contre l’arbitraire
Avec Les Dévalideuses, la militante Charlotte Puiseux, psychologue et docteure en philosophie, a lancé une enquête pour cartographier « les violences issues des dysfonctionnements des MDPH ». Cette association handi-féministe a ainsi mis en ligne un questionnaire pour recueillir des récits de victimes.
Vous avez vécu des délais abusifs, des remises en question de vos droits, des situations de précarité, des humiliations dans vos interactions avec les MDPH ? Cela impacte votre vie, réduit votre autonomie, aggrave votre état de santé, physique ou mental, dégrade vos relations ? Témoignez en cliquant sur ce lien.
Les autres épisodes de la série
Série 4/5 MDPH : « Les heures d’aide humaine, c’est une question de droits mais aussi de dignité. »
Série 5/5 MDPH : Des droits avec les moyens du bord et pour pas trop cher.
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2 commentaires
Bonjour,
A la lecture d’une telle injustice,je reste sans voix.
Malgré les épreuves que j’ai enduré pendant ma vie,je n’imaginais pas combien les êtres “humains pouvaient être capable du pire comme du meilleur.
Laisser cette infirmière dans une situation abominable,c’est être complice de sa d’échéance,c’est,selon moi,un acte de “barbarie”qui dépasse la fiction.
Je salue le courage de cette jeune infirmière qui endure comme une coupable,les années de prison dans sa propre voiture.
Il existe une solution pour sauver une vie,celle de cette infirmière,qui est réelle et non virtuelle.
Jouer avec sa vie,priver un être humain de son intégrité,c’est commettre un délit : celui de non assistance à personne en danger.
Qui est la MDPH de ce département pour se permettre de considérer cette infirmière comme un jeu de quilles?
Je connais le parcours du combattant avant d’obtenir le résultat final en ma faveur,mais sans devoir passer par un tel calvaire qui n’a pas lieu d’être puisque l’infirmière revendique légitimement ses droits,ceux d’exister décemment.
Faudra-t-il bientôt mettre en pratique la loi d’exister?
Moi aussi,je suis bénéficiaire de l’AAH,et ce n’est pas la MDPH qui a été en cause mais l’organisme payeur,la CAF,qui m’a fait attendre plus de huit mois,prétendant que j’avais des ressources importantes pour vivre suite au décès de mon époux,ce qui est totalement faux,j’ai du rembourser plus de 7000€ à la CAF,déduit du montant de l’AAH.
Je suis devenue veuve à l’âge de 49 ans,sans ressources,sans enfants,sans l’appui d’aucune famille.
Et aujourd’hui,je réintègre ma maison où il y a beaucoup de travaux à faire,car j’ai vécu le premier hiver glacial à 8 degrés où j’ai cru y laisser ma vie.
Quant je le fais savoir aux services sociaux,ils ne réagissent pas.
C’est vrai,les humains deviennent des robots ou plutôt des personnes sans cœur prêts à tout pour garder leur place au chaud.
Je compatis pour cette infirmière et j’espère qu’elle sera sauvé de ce cauchemar qui fait la honte de la France.
Cordialement.
Marie-Joseph Meignen
Oui
Très bien dit
Dans ce système capitaliste
Quand vous ne rentrez pas dans les normes
Le gouvernement s en fout complètement
Regarder le scandale de l aide à l enfance, des hôpitaux psychiatriques des ehpad etc….chômeurs, expulsions
Donc nous invalides et handicapés c est idem
Rien à battre
En France en 2024 faut rester bien net
Surtout pas de cancer ou autre car on n est pas dans un état de droit