Série MDPH 3/5 : « Il y a urgence à trouver une solution d’accueil ! Pour le bien de notre fils et le nôtre. »

Publié le 25 juin 2024 par Franck Seuret
Deux parents âgés, désemparés ; un fils adulte autiste, en souffrance ; une MDPH à court de solutions : voilà les acteurs de la tragédie qui se joue en Isère... comme dans de nombreux autres départements.

En septembre 2023, les parents de Jean-Laurent Corlin l’ont retiré de l’établissement, en crise, où il vivait jusqu’alors. Mais l’accompagnement à temps plein de leur fils de 36 ans, autiste avec de lourdes déficiences intellectuelles, épuise ces deux Isérois, âgés de 67 et 70 ans. Ils réclament son accueil dans une institution, proche de chez eux, spécialisée dans les troubles du comportement. En vain, pour le moment.

Cela fait neuf mois que Jean-Laurent, 36 ans, autiste non-oralisant, est revenu vivre chez ses parents. Au-delà de leur épuisement, le plus dur pour eux, c’est de voir leur fils régresser .© DR

« Les notifications de la MDPH, je peux en tapisser les murs de notre appartement. Mais nous, nous avons besoin de décisions effectives ! » Jean-Paul Corlin, 67 ans, et son épouse, Marie-France, 70 ans, sont à bout de forces. « Notre fils, autiste sévère avec de lourdes déficiences intellectuelles, va très mal. Il passe ses journées à geindre et à crier. »

Voilà en effet neuf mois que Jean-Laurent, 36 ans, non-oralisant, est revenu vivre au domicile familial, à Fontaine, dans la banlieue de Grenoble (Isère). Jusqu’alors, il était accueilli dans un établissement spécialisé, dans le nord du département. Mais ses parents ont décidé de l’en retirer.

« Lorsqu’il revenait chez nous, notre fils avait des bleus, raconte cet ex-travailleur du médico-social. Nous n’avions aucune explication satisfaisante sur ce qui s’était passé. Il hurlait lorsqu’il devait y retourner. Il faut dire que les salariés qualifiés avaient démissionné les uns après les autres. Et les résidents ne faisaient plus grand chose de leurs journées. »

L’hôpital psychiatrique, puis un IME, puis plusieurs établissements pour adultes…

Depuis l’enfance, qu’il passe en partie en hôpital psychiatrique, le parcours de Jean-Laurent est placé sous le signe de l’errance, la France étant très en retard dans l’accompagnement des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme. Son seul lieu de résidence stable sera l’Institut médico-éducatif de Voreppe, dans lequel il entre à 10 ans… pour n’en ressortir qu’à 24 ans, faute de place dans une structure pour adultes.

S’en suivent alors des séjours plus ou moins longs dans trois institutions différentes. Jusqu’au retour chez ses parents, en septembre 2023. Ceux-ci sollicitent alors une orientation vers un foyer spécialisé dans l’accueil de personnes présentant des troubles du comportement, situé à une trentaine de kilomètres de leur domicile.

Un accord pour un placement temporaire… impossible à mettre en œuvre

« C’est le cas de Jean-Laurent, précise son père. Et c’est pour cela que nous pensons ce placement bénéfique pour lui. D’ailleurs, la direction est d’accord sur le principe. Le problème ? La CDAPH a refusé cette orientation. Au motif que ce foyer d’accueil médicalisé (Fam) n’est pas agréé pour des personnes autistes. » Un recours plus tard, M. et Mme Corlin ont obtenu l’accord de la MDPH… pour un placement temporaire*. 

« On marche sur la tête car ce Fam n’en fait pas, d’accueil temporaire. Nous, parents, avons l’impression de demander la lune alors que nous réclamons simplement un accueil adapté aux besoins de notre enfant ! »

Trois heures d’aide humaine par jour en attendant une place

La MDPH a organisé, le 13 juin, une réunion pour la mise en place d’un plan d’accompagnement global. Un Pag, c’est en effet la réponse institutionnelle de denier recours pour les personnes sans solution d’accompagnement. « Il n’en est rien sorti », déplore Jean-Paul Corlin.

En attendant, lui et son épouse s’épuisent à s’occuper de leur fils « qui a l’âge mental d’un enfant de 4 ans ». Car depuis qu’il est de retour à la maison, la MDPH lui a juste accordé trois heures d’aide humaine par jour.

« Le plus dur, c’est de le voir régresser. Nous n’avons pas les ressources dont dispose un établissement. Plus la même énergie non plus que de jeunes parents. Il y a urgence à trouver une solution ! Pour le bien de notre fils et le nôtre. »

* Le Conseil départemental de l’Isère ne souhaite pas évoquer la situation personnelle des personnes qu’il accompagne.

Un questionnaire contre l’arbitraire

Avec Les Dévalideuses, la militante Charlotte Puiseux, psychologue et docteure en philosophie, a lancé une enquête pour cartographier « les violences issues des dysfonctionnements des MDPH ». Cette association handi-féministe a ainsi mis en ligne un questionnaire pour recueillir des récits de victimes.

Vous avez vécu des délais abusifs, des remises en question de vos droits, des situations de précarité, des humiliations dans vos interactions avec les MDPH ? Cela impacte votre vie, réduit votre autonomie, aggrave votre état de santé, physique ou mental, dégrade vos relations ? Témoignez en cliquant sur ce lien.

Les autres épisodes de la série

Série 1/5 MDPH : « Couper sa PCH à une personne trachéotomisée, c’est commettre une tentative d’homicide. »

Série 2/5 MDPH : « Pendant deux ans, j’ai dû survivre avec le RSA alors que j’avais droit à l’AAH. »

Série 4/5 MDPH : « Les heures d’aide humaine, c’est une question de droits mais aussi de dignité. »

Série 5/5 MDPH : Des droits avec les moyens du bord et pour pas trop cher. 

 

Comment 2 commentaires

Il manque les fonctions accueil et INFORMATIONS au sein des MDPH
Lieu unique de traitement des dossiers en lien avec le handicap aujourd’hui
cela ne suffit pas. Il serait nécessaire d ajouter les fonctions précitées avec le recrutement du personnel dédié
Préparons un plaidoyer .

Merci pour ce que vous faites. Le handicap condamne à la précarité et au combat perpétuel des familles pour tenir tenir et toujours tenir avec les moyens du bord

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