Les éditeurs d’applications scolaires inaccessibles bientôt sanctionnés ?
L’association APIDV – Accompagner, promouvoir, intégrer les déficients visuels -, et le collectif de juristes Intérêt à agir ont mené une action en justice auprès du tribunal administratif de Paris. Avec succès : l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, a donné trois mois aux éditeurs de logiciels disponibles dans les collèges et lycées pour remplir leur obligation de mise à disposition d’une déclaration d’accessibilité. Et se doter d’un schéma d’amélioration.
Adresser un message à un enseignant de ses enfants ? Impossible : la liste des destinataires ne s’active qu’avec une souris, pas au clavier. Choisir les spécialités de sa fille alors en première ? Même problème. Quant à consulter l’annuaire ou l’emploi du temps de cette lycéenne, sa mère a dû aussi rapidement y renoncer.
Sylvie Duchateau est aveugle. Sa fille a quitté le lycée en juin 2023 et ses deux enfants sont aujourd’hui étudiants. Mais dans les deux cas, pour son fils comme pour sa fille, au collège comme au lycée, en une petite décennie , elle a affronté quatre logiciels scolaires différents, de type Pronote. Avec chaque fois le même constat, des difficultés d’accès, elle qui utilise un lecteur d’écran.
Des enseignants déficients visuels obligés d’utiliser leur mail personnel
Dans le même temps, et particulièrement au cours du premier confinement, nombre d’enseignants déficients visuels, utilisateurs des mêmes aides techniques, se sont retrouvés incapables de communiquer avec leurs élèves, de leur donner des exercices, ou encore de récupérer leurs travaux. Sauf à passer par leurs adresses mail personnelles.
« Sans taper du poing sur la table, il ne se passera rien »
Forte de ces deux types de situations et de témoignages, l’association APIDV décide, en avril 2021, d’entreprendre une action en justice. Elle demande au tribunal administratif de Paris de contraindre les éditeurs de logiciels et applications scolaires à proposer des services accessibles. Prononcée le 21 mai dernier, la décision confie à l’Arcom, l’autorité en charge du sujet depuis le 1er janvier dernier, de les enjoindre à s’exécuter. Depuis, certains éditeurs ont déjà, à tout le moins, publié leur déclaration d’accessibilité.
« Enfin !, commente Sylvie Duchateau. Cela fait longtemps que j’espérais que les associations se mobiliseraient. Parce que mener une action en justice permet souvent d’obtenir gain de cause. Sans taper du poing sur la table, sans sanctions, il ne se passera rien. La loi de 2005 a 20 ans et elle n’est toujours pas respectée ! »
Une action qui en annonce d’autres
Désormais, les parents ou enseignants qui constatent l’inaccessibilité d’un logiciel ou d’une application scolaires avec un lecteur d’écran peuvent le signaler à l’Arcom. « Plus l’Arcom sera sollicitée, plus elle va agir ! », espère Hervé Rihal, professeur émérite de droit public, l’un des juristes à la manœuvre dans cette saisine du tribunal administratif. Et il prévient qu’APIDV prévoit de mener d’autres actions en justice de ce type pour que tous les services publics et les entreprises privées assujetties respectent, enfin, leurs obligations légales en matière d’accessibilité numérique.
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