Discriminée car handicapée : « L’employeur ne m’a même pas laissé faire un essai »

Publié le 18 novembre 2024 par Franck Seuret
« Ils n'ont même pas pris le temps de me voir en situation, alors que cela ne les engageait à rien. Sur le papier, je répondais pourtant à leurs attentes puisqu'ils m'ont fait venir pour ce test ! » © DR

Suite à sa candidature à un poste de serveuse, Sandra Roumanie est conviée à venir faire un essai dans un restaurant de la région bordelaise en quête de personnel. Mais, en la voyant arriver en fauteuil roulant, l’employeur a refusé de lui donner sa chance.

Après une expérience aussi désagréable que déstabilisante, Sandra Roumanie a su rebondir. © DR

« Je ne m’y attendais tellement pas que j’ai mis quelques minutes à réaliser ce qui s’était passé. » Pour Sandra Roumanie, l’expérience de la discrimination s’est avérée être d’autant plus violente qu’elle a été frontale et non dissimulée sous de faux prétextes.

C’était en 2022. Cette jeune femme d’une trentaine d’années, candidate pour un poste de serveuse dans un restaurant de la région bordelaise. Sur son CV, elle a indiqué qu’elle est en situation de handicap, sans préciser qu’elle se déplace en fauteuil. Certes, elle n’a pas d’expérience dans ce métier, mais de la volonté à revendre. Et l’annonce précise que les débutants sont acceptés. L’employeur lui propose d’ailleurs de venir faire un essai.

« J’ai vu le visage de la personne qui me recevait se décomposer »

Sandra Roumanie se présente donc au restaurant. « Et là, c’est le drame, plaisante-t-elle après coup. J’ai vu le visage de la personne qui me recevait se décomposer. Elle est rapidement partie voir un collègue avant de me dire que ce n’était pas possible, que je n’avais pas le profil, que le poste était trop physique, et que je ne pouvais pas faire l’essai prévu. »

La jeune femme tente de plaider sa cause. Oui, elle est handicapée mais elle a candidaté en connaissance de cause, explique-t-elle en substance. Les locaux sont accessibles. Le restaurant proposant une formule buffet, le service à table est limité. De toutes façons, elle déplace son fauteuil avec les pieds et peut donc se servir de ses bras pour porter ce qui doit l’être. Et les allées sont suffisamment larges pour qu’elle puisse y circuler. Mais rien n’y fait. C’est non, il n’y aura pas d’essai !

Des « représentations stéréotypées d’un autre temps »

« C’est ce qui m’a le plus blessée. » Sandra Roumanie s’est sentie rejetée sur la base de « représentations stéréotypées d’un autre temps ». Parce qu’elle était en fauteuil, elle était d’emblée considérée comme incapable de tenir le poste.

Elle avait pourtant « tout imaginé pour cet essai ». Ne pas y arriver, ne pas répondre aux attentes, faire tomber des assiettes… Tout sauf qu’on ne le lui laisse pas passer le test.

« Ils n’ont même pas pris le temps de me voir en situation, alors que cela ne les engageait à rien. Sur le papier, je répondais pourtant à leurs attentes puisqu’ils m’ont fait venir ! Le fait de ne pas correspondre à un poste est entendable à condition que cela soit justifié et que les mêmes chances soient données à chacun de montrer son savoir-faire et son savoir-être ! »

Des pairs-intervenants pour transmettre leur expertise

Après cette expérience aussi désagréable que déstabilisante, Sandra Roumanie a su rebondir. Ladapt l’a recrutée comme coordinatrice régionale pair du projet EPoP Nouvelle-Aquitaine. Sa mission : faire en sorte que davantage de personnes handicapées – des pairs intervenants – transmettent aux autres l’expertise issue de leur expérience de vie. En matière d’éducation, d’accessibilité… ou bien encore d’emploi.

APF France handicap veut faire de lutte contre les discriminations au travail une priorité nationale

À l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), du 18 au 24 novembre, APF France handicap alerte sur les discriminations que subissent les personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Des discriminations massives et systémiques, en dépit de l’arsenal législatif existant. Et de rappeler que près de 20 ans après la loi handicap de 2005, c’est toujours le handicap qui demeure le premier motif de saisine de la Défenseure des droits en matière de discriminations (21 %), devant l’origine (13 %) et l’état de santé (9 %), selon son rapport annuel 2023… et les précédents. Une situation particulièrement marquée dans le champ de l’emploi (16 % dans l’emploi privé, 21 % dans le public).

Dans son dossier “Emploi & Handicap : les discriminations perdurent… À quand l’égalité des chances ?”, APF France handicap dresse un état des lieux exhaustif et accablant. Elle plaide, au travers de nombreuses revendications, pour que la lutte contre les discriminations dans le monde du travail devienne enfin une priorité nationale.

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