Le handicap en 2024 : l’école de la patience
L’arrivée à échéance des derniers agendas d’accessibilité programmée, en septembre, n’a pas fait de la France un pays accessible. En 2024, les citoyens handicapés ont aussi espéré, en vain, le remboursement intégral des fauteuils roulants, promis par Emmanuel Macron. En revanche, les particuliers employeurs ont vu leurs revendications d’une meilleure couverture de leurs dépenses d’aide humaine aboutir… dix-neuf ans après la loi de 2005.
Ce devait être la grande affaire de l’année 2024, l’aboutissement d’une revendication de longue date et la concrétisation d’une promesse. En avril 2023, lors de la conférence nationale du handicap, Emmanuel Macron s’était engagé à rembourser « intégralement » les fauteuils roulants d’ici 2024.
Mais les discussions ont traîné en longueur sur un sujet, il est vrai, complexe. Surtout, le projet de réforme a suscité la colère des associations de personnes handicapées. L’instauration, envisagée, d’un prix limite de vente priverait en effet de remboursement tout fauteuil dépassant ces plafonds, fixés, de plus, à un niveau trop bas. La dissolution, en juin, puis l’instabilité gouvernementale ont finalement empêché les textes réglementaires d’être finalisés avant fin 2024.
Pour offrir une alternative, le député écologiste Sébastien Peytavie, lui-même en fauteuil, a pris l’initiative de déposer une proposition de loi. Celle-ci précise que les fauteuils roulants seraient exempts d’un prix de vente maximal. Le 3 décembre, l’Assemblée nationale a adopté le texte, à l’unanimité. Le Sénat doit désormais l’examiner. Le tout dans un contexte politique très mouvant. Patience, donc.
La France toujours inaccessible et hors la loi
Le jeudi 26 septembre 2024 aurait pu, lui, être un jour de fête. Celui où la France aurait enfin achevé la mise en accessibilité de ses établissements recevant du public, les ERP. La grande loi handicap de février 2005 avait en effet gravé dans le marbre l’obligation de rendre accessibles tous les ERP existants d’ici 2015. Et les délais supplémentaires accordés, dans le cadre des agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap), arrivaient à expiration, pour les derniers, fin septembre 2024.
Mais, sur les quelque deux millions d’ERP recensés au doigt mouillé par les services de l’État, 350 000 étaient déclarés accessibles avant 2015. Et 700 000 s’étaient engagés dans un Ad’ap. 950 000 seraient donc hors la loi, car ni accessibles ni sous Ad’ap.
De plus, avoir déposé un Ad’ap ne signifie pas être accessible. Les demandes de dérogation, pour des raisons techniques ou économiques essentiellement, sont en effet comptabilisées dans ces 700 000 Ad’ap enregistrés en préfecture. Sans oublier que les services de l’État ne vérifient pas si les travaux ont bien été menés.
Des enfants handicapés privés de cantine
Sur le papier, tout était clair. En mai, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi mettant la rémunération des AESH sur le temps de pause méridienne à la charge de l’État.
Jusqu’alors, c’était aux collectivités territoriales, responsables des activités périscolaires, d’en assumer le coût. Or, certaines traînaient des pieds. Le transfert de cette responsabilité à l’État avait donc vocation à rétablir l’égalité d’un territoire à l’autre.
Mais le ministère de l’Éducation nationale a tardé à publier la note de service qui en précise « les modalités opérationnelles ». Modalités, qui plus est, lourdes et restrictives. Résultat : de nombreux enfants se sont retrouvés sans AESH à la rentrée… en attendant que l’État prenne réellement le relais.
Des enfants handicapés privés de cantine en attendant… un AESH
Des restes à charge réduits pour les particuliers employeurs… après 19 ans d’attente
Il aura fallu dix-neuf ans pour que les particuliers employeurs fassent moins de cauchemars sur les restes à charge. Lors de la création de la PCH, en 2005, les pouvoirs publics avaient décidé que, pour l’emploi direct, le montant horaire accordé aux allocataires serait égal à 130 % du salaire brut horaire d’un assistant de vie. Insuffisant pour financer les obligations légales qui s’imposent à tout employeur comme les visites médicales, la participation aux abonnements de transports en commun…
En 2022, l’État avait accepté de porter ce montant à 140 %. Et en juin 2024, il a enfin consenti aux 150 %, réclamés par les associations. Un taux censé permettre aux particuliers employeurs de couvrir l’ensemble de leurs charges.
Le problème ? De nombreux conseils départementaux refusaient encore de voir cette prestation financer autre chose que les salaires, les congés payés et les cotisations sociales. Et lorsqu’ils effectuaient un contrôle d’effectivité, ils en exigeaient le remboursement.
Fin juin, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) leur a donc envoyé un courrier. Elle y liste toutes les autres charges que la PCH a vocation à couvrir : les majorations de salaires pour les heures supplémentaires, les indemnités de fin de contrat à durée déterminée…
Des majeurs protégés qui doivent payer
Finie la mission de service public pour le contrôle annuel des comptes de gestion établis par un tuteur ou un curateur. Depuis juillet, c’est un professionnel privé qui s’assure que les finances du majeur protégé sont bien gérées, et lui facture ce service. Jusqu’alors, le directeur des services de greffe du tribunal judiciaire était censé assurer cette tâche, gratuitement.
La réforme entraîne donc une dépense supplémentaire pour les titulaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) sous mesure de tutelle ou de curatelle renforcée : 44 € s’ils touchent l’AAH à taux plein ; 30 % de plus s’ils détiennent un patrimoine financier de 50 000 à 200 000 €.
Des consultations blanches chez le dentiste
Bonne nouvelle. Depuis février 2024, les dentistes sont enfin autorisés à facturer des consultations blanches. Jusqu’à cinq par séquence de soins et au même tarif qu’une consultation classique (23 €). Qu’il s’agisse d’une séance d’habituation pour que le patient fasse connaissance avec le soignant et découvre son cabinet afin de réduire son anxiété. Ou que les soins n’ont pu avoir lieu, par exemple parce que le patient était trop stressé ce jour-là. L’Assurance maladie en assure le remboursement à hauteur de 60 %, comme à l’ordinaire.
Les dentistes rejoignent donc les médecins généralistes et spécialistes qui s’étaient déjà vus accorder, en 2022, ce droit de facturer une consultation blanche.
Des voyages facilités en Europe
Voyager en Europe va devenir plus facile pour les citoyens handicapés. En octobre, le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive créant une carte européenne du handicap ainsi qu’une carte de stationnement.
Demain, les détenteurs de ces deux cartes auront droit à certaines mesures de compensation accordées aux citoyens handicapés du pays dans lequel ils se rendent. La gratuité ou des réductions dans les transports, les musées, les concerts… Le passage prioritaire dans une file d’attente. La possibilité de stationner sur les emplacements réservés. Ou bien encore l’accès aux services de transport à la demande.
Mais attention : ces deux cartes n’ouvriront pas droit aux prestations sociales (AAH, PCH…). Elles sont en effet avant tout destinées aux étrangers de passage – pour des vacances, un séjour sportif ou professionnel… – et non à celles et ceux qui s’installent dans un autre pays de l’UE.
Chaque État membre dispose désormais d’un délai de deux ans et demi pour adapter sa législation nationale, puis d’un an supplémentaire pour commencer à attribuer les cartes. Autrement dit, il faudra attendre fin 2027, au plus tard, pour que ce nouveau droit devienne réalité.
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