[Série 2/3] « Le spectateur doit se dire “Waouh, quel film !”, et pas “Waouh, quelle audiodescription !” »

Publié le 12 décembre 2024 par Emma Lepic
Marie Diagne
audiodescriptrice
Hotel Renaissance
Paris le 9 decembre 2024
Pour Marie Diagne, autrice de versions audiodécrites pour le cinéma, il convient d’écrire en respectant le rythme des films. « On ne va pas se lancer dans une phrase proustienne sur une course poursuite ! » © Nicolas Gallon

Partager les émotions et transmettre les œuvres cinématographiques. Voilà l’objectif que s’assigne Marie Diagne, autrice de versions audiodécrites de films. L’enjeu va bien au-delà de la seule accessibilité au cinéma pour les déficients visuels, revendique cette passionnée d’un exercice dont elle défend les subtilités avec fougue.

« Ceux qui m’intéressent, ce ne sont pas les aveugles, mais les spectateurs, et donc les œuvres. Il ne s’agit pas pour moi de rendre un film accessible à quelqu’un de différent de moi, mais de partir de ce que nous avons tous en commun : le sensible. Le handicap est une mauvaise porte d’entrée, elle fait oublier le cinéma. »

Le ton est donné. Marie Diagne, autrice de versions audiodécrites de films a, depuis toujours, un amour infini du cinéma. Et c’est de cinéma qu’elle parle, pas d’accessibilité. Depuis 2011, elle audiodécrit des films. Une activité qui constitue la suite logique de son parcours.

Un film « est une chose vivante, qui a son rythme, qui respire »

D’abord monteuse image, Marie Diagne a ensuite œuvré à la diffusion de la culture cinématographique. En particulier via des ateliers au sein d’écoles primaires et de collèges. Elle dit avoir appris beaucoup au cours de cette première partie de carrière. « À regarder finement les images », et aussi qu’un film « est une chose vivante, qui a son rythme, qui respire ».

Des convictions qui marquent sa façon d’audiodécrire. « Il convient d’écrire en respectant la cadence du film. On ne va pas se lancer dans une phrase proustienne sur une course poursuite !, illustre-t-elle. On ne doit pas non plus “tartiner” toute une audiodescription sur une plage musicale, au risque de masquer ce que le réalisateur a voulu faire, par exemple au moyen d’un crescendo. »

Du reste, prévient-elle, « on ne peut qu’esquisser les images et seulement décrire ce qui ne peut être perçu par le son ». L’important à ses yeux, c’est de parvenir à transmettre l’intention du réalisateur. « En sortant de la salle, le spectateur doit se dire “Waouh, quel film !” Et non “Waouh, quelle audiodescription !” »

« Le spectateur doit rester maître du jeu »

Cette professionnelle, qui a hérité de la passion pour le cinéma de son père, défend l’idée qu’un film ne saurait se réduire à l’histoire qu’il raconte. Pour cette passionnée, les spectateurs sont traversés par le film, ils le perçoivent, et ressentent des émotions à son contact. « Le cinéma est une expérience corporelle et le spectateur doit rester maître du jeu. »

Cette façon d’audiodécrire, qui veut retranscrire toutes les perceptions sans rien vouloir imposer, apparaît plus exigeante que ce que permettent la plupart des studios de post-production. Elle nécessite trois semaines d’écriture, deux jours de relectures par un autre auteur voyant d’audiodescription et un collaborateur déficient visuel, et trois jours en studio pour l’enregistrement et le mixage.

Aussi, les délais des studios qui produisent un grand nombre d’audiodescriptions semblent-ils trop serrés à Marie Diagne. Elle préfère travailler directement avec des réalisateurs ou pour des festivals souhaitant proposer une partie de leur programmation en audiodescription. Elle a aussi choisi de créer une association d’auteurs d’audiodescriptions qui s’accordent sur ce point de vue : Le Cinéma Parle. Avec un mot d’ordre clair : « Les émotions se partagent, les œuvres se transmettent. »

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