Série 4/4 Comment ma vie a basculé Accident, amputation, tentative de suicide : « Sur le chemin de Compostelle, je poursuis ma résurrection »

Publié le 3 mai 2024 par Élise Descamps
Hervé de Lantivy marche actuellement pour la deuxième fois vers Compostelle. Cette année, il le fait au profit de l'association Lames de joie qui prête des lames de course aux enfants amputés afin de favoriser l’activité sportive. © DR

Son accident de la route, il y a trente-cinq ans, a conduit Hervé de Lantivy, après de nombreuses années de souffrance, à se faire amputer en 2018. Un choix assumé. Mais ce chef d’entreprise est ébranlé par tous les obstacles sur sa route. Un an après, il fait une tentative de suicide. Aujourd’hui, à presque 60 ans, il revit. Notamment grâce à son expérience sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

« Ma vie a basculé plusieurs fois. La première, après un accident de moto l’année de mes 23 ans, en 1987. Je n’ai pas perdu l’usage de la marche, mais j’ai subi douze opérations les deux années suivantes.

Ayant dû renoncer à l’armée, j’ai repris des études, travaillé dans la grande distribution de jardinerie. Puis, je me suis marié et nous nous sommes installés en Bretagne, où j’ai créé mon activité de paysagiste. C’est un métier rude. Pendant des années, je n’ai pas écouté mon corps, d’autant que j’avais aussi quatre enfants. Mes douleurs persistaient, mon pied s’infectait.

L’amputation par choix

À 45 ans, les complications n’ont pas cessé jusqu’à un staphylocoque, il y a six ans. J’ai demandé l’amputation. C’était la deuxième bascule dans ma vie. Je l’ai choisie et ne l’ai jamais regretté. Mais ce corps diminué était malgré tout un choc.

J’avais l’obsession de remarcher au plus vite. Je me suis investi à 100 % dans la rééducation, tous les matins. Tout cela, en poursuivant la gestion de ma société, tous les après-midis. Chef d’entreprise, impossible de m’arrêter. J’étais épuisé. Mais la nuit, je ne dormais pas bien, avec mes douleurs fantômes et mes soucis professionnels qui s’accumulaient.

La tentative de suicide et la remontée

Je me suis retrouvé face à un mur qui m’a semblé infranchissable*. Un matin de 2019, j’ai tenté de me suicider. Au réveil, j’ai ressenti du dégoût pour moi-même. Cela a aussi ébranlé ma foi pendant un temps.

Je suis parti trois mois en hôpital psychiatrique, où j’ai découvert combien parler de mes difficultés, auprès de professionnels, mais aussi de mes proches, fait un bien fou. L’année qui a suivi est restée difficile, même avec le soutien de ma famille. Je devais me reconstruire, poursuivre ma rééducation, tout en décidant de vendre mon entreprise, et avec des difficultés financières toujours là.

Compostelle en 2021 avec deux béquilles et une prothèse

Là, je me suis souvenu d’une promesse que je m’étais faite avant mon amputation : si un jour je remarche, je ferai Saint-Jacques de Compostelle. Le 8 mars 2021, je suis parti de Sainte-Anne d’Auray, dans le Morbihan, pour 1 920 kilomètres en trois mois, avec deux béquilles et une prothèse de jambe. C’était très dur, mais je n’ai jamais eu d’échanges aussi profonds avec des personnes rencontrées. J’ai appris l’art du dialogue. J’ai observé la nature comme jamais. Cette aventure, je l’ai racontée sur ma page Facebook, suivie par plus de 3 000 personnes.

Trois mois après mon retour, j’étais assis sur un banc face à la mer, et une dame à côté de moi a prononcé les mots qu’il fallait pour que je parle pour la première fois à une inconnue de ma tentative de suicide. J’ai l’impression de revivre vraiment depuis ce jour-là : un autre point de bascule dans ma vie, positif cette fois-ci !

J’ai écrit un livre, qui me vaut énormément de messages d’encouragement : Une prothèse vers Compostelle, paru en janvier 2024 aux éditions Salvator.

Compostelle en 2024 au profit de l’association Lames de joie

Je suis reparti début avril, toujours seul, mais cette fois-ci de Rome, où j’ai eu la chance de parler au Pape ! J’ai encore deux semaines de marche en Italie avant de poursuivre côté français, vers Compostelle. Tout se passe bien : mes petits problèmes techniques trouvent des solutions, et les paysages sont exceptionnels.

Sur mon blog, j’invite à faire des dons à l’association Lames de joie, qui prête des lames de course en carbone aux enfants amputés pour leur permettre de pratiquer une activité sportive. Sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle je poursuis ma résurrection. Mais cette fois-ci, tourné vers les autres.

Consulter la carte de l’avancée d’Hervé de Lantivy

*Le suicide n’est pas une fatalité. En cas d’idées noires, composez le 3114.

Dossier Amputation – Faire corps avec soi

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